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Mattéo était de mauvaise humeur. D’abord il avait passé une mauvaise nuit, et ensuite il avait été réveillé aux aurores par le téléphone et il avait horreur de ça.
Y’a des jours où ça commence mal, c’est la vie. Même pas le temps de prendre un café! Son patron lui avait dit que c’était urgent. Mais c’est toujours urgent. Comme si les morts allaient se réveiller!
Mattéo avait traversé toute la ville, heureusement à cinq heures du matin, ça roulait encore bien et là devant ce corps, Mattéo était perplexe. Il avait devant lui un homme dans une attitude bizarre et l’inspecteur se disait qu’il ressemblait a un pantin de bois à qui on aurait coupé la ficelle principale. Il n’y avait pas d’arme près du corps, mais il n’y avait pas de sang non plus. « Peut-être une crise cardiaque? Se dit-il, mais alors pourquoi m’a-t-on appelé! » Bien sur il faudrait une autopsie pour déterminer le pourquoi et le comment. En attendant Mattéo avait faim et son humeur ne s’améliorait pas. Il sentait que cette affaire serait difficile et son flair le trompait rarement. Mattéo était un très bel homme, grand, avec de superbes yeux bleus qui lui venait d’une lointaine grand mère scandinave et qui lui donnait, à lui qui était très brun, un air mystérieux. Il était en général très bien soigné de sa personne, achetant vêtement et sous vêtement avec beaucoup de soin, mais ce matin là, il se sentait tout fripé et il n’aimait pas ça du tout. Décidément rien n’allait ce matin et sa mauvaise humeur allait croissant. Il avait hâte de rentrer chez lui, de prendre une douche bien chaude, d’enfiler un caleçon de soie, cadeau de sa maman pour son anniversaire, qu’elle avait trouvé disait-elle, dans une nouvelle boutique qui avait de bien jolies choses tentantes et de prendre un solide petit déjeuner. Sa dernière petite amie était partie en claquant la porte la veille et ça lui restait sur le cœur!
Le médecin légiste était arrivé et il examinait le corps.
Des auxiliaires prenaient des photos… Il ne les avait jamais vu ceux-là. Sans doute des jeunes tout frais émoulus de l’école de police. Mattéo regardait sans arrêt sa montre. Il avait l’impression que les aiguilles n’avançaient pas. Il entendait le médecin énumérer ses premières constatations sans vraiment l’entendre. Mais un terme le fit sursauter : « Jodan-Shuto ». Ce mot, il le connaissait… Ca lui rappelait beaucoup de souvenirs… Il avait été commando dans l’armée, mais une blessure l’avait obligé à mettre un terme à sa carrière. Que faisait donc ce mot ici? Il regardait plus attentivement ce petit homme chauve qui tournait autour du cadavre en se demandant s’il avait bien entendu.
Il se rapprocha de lui en murmurant : « Vous pouvez répéter? » Le médecin légiste le regarda, et esquissant un timide sourire lui confirmé : « Je pense que c’est un jodan-shuto qui l’a tué, je vois que vous connaissez le terme. En tout cas ce n’est pas un accident, c’est bien un meurtre. Je vous donnerai plus de détails dans la journée. » Le médecin donna l’ordre d’emporter le corps. Mike confia a ses adjoints l’enquête de voisinage en ne se faisant guère d’illusion.
A cette heure de la nuit, les habitants dormaient sûrement et même les vieilles bigotes n’avaient sûrement rien vu.
Mattéo, se dit qu’il ferai mieux de rentrer chez lui prendre cette douche dont il rêvait, de revêtir ce caleçon de soie et de déjeuner puisque sa journée était loin d’être finie; Dieu sait quand il pourrait prendre un vrai repas.
Mattéo habitait un coquet appartement avec un petit balcon pour permettre à son chat Moustik de prendre l’air. Lequel chat d’ailleurs ne se contentait pas du balcon et aimait aller se balader sur les toits. Mais il revenait toujours, le poil en bataille et la mine gourmande… Un grand salon, une petite cuisine bien aménagée et deux chambres dont une très grande, la sienne et une plus petite dont il avait fait son bureau, composait son domaine. Les murs étaient blancs, très spartiates, mais Mattéo avait posé des plantes vertes un peu partout , ce qui donnait outre des taches de couleur, un aspect accueillant à l’ensemble.
Les meubles étaient en pin et la table revêtue d’une nappe brodée, œuvre de sa maman. Chaque fois que Mattéo ouvrait sa porte, il ressentait comme un bien-être pénétrer en lui.
Ce matin-là, préoccupé, il ne fit guère attention à son décor familier. Il se précipita sous la douche après avoir enlevé ses vêtement à la hâte. Et là, sous le jet d’eau chaude il essayait de réfléchir. « Un karatéka tueur? On aura tout vu! » se disait-il. Il se sécha et nu pénétra dans sa chambre pour enfiler le caleçon rêvé. « Mmmm, se dit-il, maman a du faire une folie, mais c’est agréable. »Il regarda l’emballage et vu inscrit dessus « Secret de dames ». Il pouffa de rire tout seul à l’évocation de cette appellation. En voyant l’adresse inscrite sur l’emballage, il reconnu le quartier près de chez ses parents et se dit qu’il irait probablement y faire un tour en leur rendant visite. Après tout, il pouvait bien offrir des dentelles a sa mère ou à sa sœur…
Mattéo, finit de s’habiller : Un jean et une chemise en polaire et s’installa devant son café et ses tartines. Après son solide petit-déjeuner, il reprit ses clefs de voiture et jeta un dernier coup d’œil dans le miroir de l’entrée : Ce n’est pas qu’il aimât s’admirer mais finalement il se trouvait pas mal. Son allure sportive portait allègrement ses trente-cinq ans et il se sentait bien… « Allez mon gars, au boulot! » se dit-il (à suivre)

Verteprairie

le 28/09/04