

Rosa était
portugaise et femme de ménage de son état. Petite bonne
femme, elle devait faire tout juste un mètre cinquante cinq,
elle était vive comme du vif argent, toujours en mouvement,
jamais fatiguée. Elle était amoureuse du directeur
de la banque dont elle faisait le ménage le matin, bien avant
que les employés n’arrivent. Elle se sentait un peu
comme un ver amoureux d’une étoile, mais qu’importe,
le cœur ne commande pas. Et puis, Henri Duchemin aimait arriver à son
bureau de très bonne heure et même s’il ne faisait
guère attention à elle, elle lui offrait un café avec
beaucoup de tendresse et il la remerciait toujours d’un sourire.
Rosa faisait le ménage dans toute la galerie commerciale.
Oh ça faisait beaucoup de boulot, mais elle ne s’en
plaignait pas. Elle aurait bien voulu faire le ménage dans
ce nouveau magasin qui venait de s’ouvrir. Voir toutes ces
belles choses de près la faisait rêver. Elle s’imaginait
avec une de ces dentelles qui cacheraient à peine son corps
pour faire du charme à son Henri… Ce matin elle était
décidée ! Elle irait voir la propriétaire et
lui offrirait ses services.
Aussitôt dit, aussitôt fait. Dès que la galerie fut ouverte,
elle alla voir Lawrencita. Celle-ci la reçut gentiment. Rosa lui expliqua
doucement que sa boutique l’attirait, même si elle ne l’aurait
probablement pas comme cliente, mais elle serait heureuse de la nettoyer et
comme ça de pouvoir voir de près tous ces coordonnés qui
la faisait rêver. Lauwrencita se mit à rire.
-« C’est d’accord, lui dit-elle et si tu as un amoureux,
je te ferai un prix pour le déshabillé de tes rêves ! »
Rosa était aux anges. Elle avait conclu un contrat supplémentaire,
bien payé ma foi et elle pourrait se pavaner chez elle en faisant virevolter
rubans et dentelles en pensant à son amour secret.
Quand Rosa fut partie, Anna arriva. Cette dernière avait la mine un
peu chiffonnée. « Que t’arrive-t-il ? Lui dit son amie,
tu n’as pas l’air en forme !
- Eric veut le divorce, lui répondit elle, il croit que j’ai un
amant !
- En as-tu un ?
- Non, mais j’ai voulu lui faire croire, en laissant deux verres et une
bouteille de champagne entamée. Quand il est rentré de chez l’autre
au petit matin, il m’a fait une scène terrible ! J’ai cru
qu’il allait me frapper ! Il m’est venu une envie de meurtre ! »
Lawrencita réfléchissait : « Encore un qui aurait bien
besoin d’une leçon » se disait-elle. « On en reparlera
tout à l’heure, dit-elle à Anna, pour l’instant regarde,
y a du monde qui arrive et j’ai reçu plein de nouveautés. »
« Au fait ajouta-t-elle, j’ai embauché une femme de ménage,
elle s’appelle Rosa, tu verras, elle est super sympa ! »
Le travail repris pour les deux jeunes femmes. Et la journée passa vite.
Le soir venu, Lawrencita proposa à son amie d’aller prendre un
verre, mais celle-ci déclina l’offre. Elle se sentait vidée
et voulait se coucher de bonne heure.
Eric réfléchissait en rentrant de son rendez-vous. Il s’était
mis en colère la veille en voyant les deux verres et malgré les
allégations de son épouse, il avait du mal à croire qu’elle était
seule. Il referma son pardessus, car la nuit était froide mais il n’eut
pas le temps d’en remonter le col. Il ne vit pas le coup venir et il
s’effondra sur la chaussée comme un pantin désarticulé.
Déjà, l’ombre était loin et se fondait dans la nuit… (à suivre)
Verteprairie
le
28/09/04
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