

Finalement
Anna et Lawrencita étaient devenues des amies et cette dernière
avait proposé à sa nouvelle amie de venir travailler à mi-temps
dans le magasin. La boutique, d’ailleurs ne désemplissait
pas. C’était presque magique! On aurait dit que toutes
ces dames attendaient avec impatience l’ouverture d’un
tel sanctuaire voué à la beauté des femmes et à leurs
dessous. Comme l’avait prévu Lawrencita, jeunes et moins
jeunes se pressaient à qui mieux-mieux pour acheter qui un
coordonné, qui un déshabillé de soie. Une toute
jeune fille essayait son premier soutien gorge, ce qui était
un moment très important. Une grosse femme voulait à tout
prix des brésiliens ce qui amenait sur les lèvres d’Anna
un sourire discret. Mais chacune était reçue avec la
même gentillesse, la même douceur…
Le soir, après les comptes de la journée, les deux amies prenaient
l’habitude de boire un café ensemble. Souvent Anna lui parlait
de ses déboires conjugaux et Lawrencita pensait en son for intérieur
que le bel Eric mériterait bien une leçon! Mais qu’y faire!
Puis elles rentraient chez elles, chacune de leur côté. Anna dans
son bel appartement souvent vide, pour attendre son mari sensé être
retenu pour un dîner d’affaires, ce dont elle n’était
plus dupe depuis longtemps et Lawrencita dans son petit deux pièces
où l’attendait Margot, une petite chatte grise qu’elle avait
trouvé une nuit, à moitié morte de faim.
Lawrencita se disait que si le magasin marchait bien, l’année
prochaine elle pourrait déménager et d’offrir un appartement
de standing. Mais au fond, elle n’était pas pressée. Elle
trouvait son petit coin chaleureux et plein de charme, alors à quoi
bon faire des dépenses! Il valait mieux garder l’argent pour agrandir
le magasin!
Comme d’habitude, quand Anna rentra, la maison était vide. Eric
avait laissé un mot sur la table : « Ne m’attends pas, je
pilote des japonais, je rentrerais tard. » Nul doute que ces soi-disant
japonais serait l’Autre! « Mais, se dit Anna, puisqu’il n’est
pas là, je vais boire du champagne à sa santé! » Elle
eu envie de téléphoner à son amie pour qu’elle vienne
boire avec elle, mais il se faisait tard déjà et elle n’osa
pas la déranger. Elle sortit deux verres, la bouteille qu’elle
ouvrit, remplit les deux verres et les but tous les deux, puis elle revêtit
la chemise de nuit de dentelle qu’elle avait achetée le premier
jour à Secret de Dames et alla se coucher, laissant en évidence
sur la table basse, la bouteille entamée et les deux verres salis.
Il était
tard ou plutôt il était tôt, mais le jour n’était
pas encore à ses prémices. Eric sortait de chez sa
maîtresse. Une curieuse idée lui était venue
en début de soirée et l’avait taraudé toute
la nuit. Anna avait changé! Oh! elle l’accueillait toujours
avec tendresse, mais avec plus de détachement. « Aurait-elle
un amant? Se dit-il. Là, ce serait un comble! »
Il marchait d’un pas vif, pressé pour une fois, de vérifier
qu’il se trompait.
Une ombre le suivait sans peine malgré son allure, mais il ne la remarqua
pas…
Verteprairie
le
28/08/04
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