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Le banquet battait son plein, du moins c’est ce qu’il semblait à la jeune fille. Elle avait l’impression d’entendre une sorte de musique dont l’orchestre faisait des fausses notes mais elle ne voyait aucun musicien. Les plats emplis de gélatines et de formes multicolores se vidaient alors que personne ne tenait d’assiette.
Tout à coup, une forme revêtue d’une grande cape noire avec un capuchon relevé, s’inclina devant la jeune fille, avec une assiette emplie de tranches roses et verte.
Patricia murmura « merci ». La forme se releva et dans la capuche sans visage Patricia vit deux yeux, plein de haine. ! Elle frissonna, et aussitôt Tuka vint se placer devant elle en geste de protection. Ils restèrent face à face une minute, puis la forme noire recula et disparut.
- « Qui est-ce, demanda-t-elle ? »
Tuka hésita avant de répondre :
- « Ce que tu appellerais un théologien dans ton monde ! » Tuka vint se replacer aux cotés de la jeune fille, signifiant ainsi que le danger était écarté.
« C’est comme partout, se dit Patricia, y a toujours des empêcheurs de tourner en rond » et Tuka ne put s’empêcher de sourire. Mais Patricia avait faim. Une forme blanche et rose, sitôt cette pensée formulée, s’avança en lui présentant une plaque de glace sur laquelle étaient des morceaux de cette fameuse matière qu’on voyait partout en lui disant : « Imaginez ce que vous aimeriez manger, et ça apparaîtra. »
« Le rose, des crevettes, le jaune de la mayonnaise, le blanc du poulet, le vert de la salade, formula Patricia. » Et aussitôt, ces mets apparurent. Patricia trouvait l’exercice amusant. Tuka lui tendit la main et une fourchette apparut. Patricia se régala c’était excellent, mais c’est curieux, pensait-elle, je n’ai même pas soif.
Quand elle eut fini de se restaurer, la petite forme rose et blanche s’approcha.
-« Je m’appelle Mina, dit-elle, j’aimerai être votre première cliente.
- Je ne peux pas prendre des mesures devant tout le monde, dit Patricia en se penchant vers Tuka, il me faudrait un petit salon. Et aussi un peu de matériel…
- Tout est prêt, lui confia Tuka, si ton dîner est fini, je te conduis.
- Allons-y !
Tuka la conduisit dans une pièce ravissante, où sur une table, trônait un premier matériel de couture et ce qui ressemblait à un petit cube : « un ordinateur chez toi » précisa Tuka.
- Tu ne peux pas assister aux prises de mesure, lui dit Patricia, ce n’est pas correct, à moins que Mina ne soit ton épouse
- Nous n’avons pas ce genre de pudeur ici, ne t’inquiète pas. Et Mina n’est pas ma compagne. »
Mina entra la première, enleva sa robe rose et blanche. Patricia soupira. Les contours de la jeune fille n’étaient pas tous définis mais mes seins étaient bien modelés. Patricia prit des mesures complètes, en se disant que ça pourrait toujours servir et Tuka effleura le cube à l’énoncé des chiffres.
Une forme grise et blanche entra. « Une vieille dame sans doute, se dit Patricia. La voix de Tuka s’imprima dans son esprit : « ne juge pas les couleurs en fonction de ta mémoire terrestre, ici, elles ont une autre signification. » « Bien, chef, pensa Patricia. »
La forme grise lui dit « je m’appelle Zullu » et quant elle ôta sa robe, Patricia recula d’un pas. Non pas qu’elle eût peur, mais y avait de quoi surprendre. Zullu avait trois paires de seins, ronds, plein, fermes.
Patricia repris son centimètre et dicta les mesures à son compagnon. Se succédèrent ainsi Moira, Jauna, Elixia, Amadoré, Verbis et toute une palette de couleurs et d’anatomie différente.
L’exercice dura longtemps et Patricia commença à se sentir fatiguée. Tuka fit alors pivoter la paroi translucide et ferma le salon. Offrant un fauteuil à la jeune fille, il prit place près d’elle.
- « Qu’en penses-tu ?
- Il me faut de quoi dessiner des modèles, pour qu’elles puissent choisir, et savoir quelle couleur elles désirent.
- Les couleurs sont celles que tu as vues sur elles, répondit Tuka.
- La lingerie, c’est sous la robe, précisa Patricia en souriant, qu’emporte si la culotte est bleue sous une robe rose, ou l’inverse.
- Il n’en n est pas question ! »
Patricia se tut. Après tout c’était leur monde, elle n’y était venue que pour y travailler.
« - Il me faudra du fil, des rubans, des dentelles, du tissu, des agrafes, de l’élastique ! Si je pouvais rentrer chez moi, je rapporterais des catalogues, et mes fiches …
- Si tu pouvais rentrer chez toi, reviendrais-tu ici ?
- Bien sur. Mais y aurait quand même un problème.
- Lequel ?
- Je gagnais bien ma vie sur ma planète, mais je n’étais pas riche. Je n’ai pas les moyens financiers d’acheter de quoi vêtir toute une population. Et puis, même si je pouvais, je devrais être discrète, on a du me rechercher, et au retour, on me posera des questions… Et me prendre pour une folle !
- N’as-tu pas une amie qui pourrait t’aider dans le secret ?
- Si mais pas financièrement.
- Cette partie là, on s’en occupe. Je vais te donner les moyens terrestres de faire tes achats, et t’emmener. Et, deux mois après de ton temps, j’espère que tu seras au rendez-vous du retour. »
Tuka se leva et tendit la main à Patricia. Elle aurait aimé se reposer après cette soirée riche en émotions mais elle n’osait rien dire de peur de briser la magie de cet instant.
« Tu te reposeras pendant le voyage, lui dit la voix ».

Verteprairie

21/11/2006