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Elle venait d’un pays de l’est, avec un visa d’étudiante. C’était son premier Noël en France, et tout lui paraissait magique. Toute cette profusion de couleurs la fascinait.
Tout d’abord, un Noël sans neige, elle trouvait ça bizarre, et cette bousculade dans les magasins, prodigieuse. Chez elle, y avait bien la queue quelquefois, mais c’était pour des denrées de première nécessité, pas à tous les rayons comme dans ce grand magasin où elle aimait se réfugier pour admirer les étalages et aussi parce qu’il y faisait plus chaud que dans sa petite chambre sous les toits.
Natacha avait bien quelques amis, étudiants comme elle, si on peut donner ce terme d’ami à ces jeunes avec qui elle discutait après les cours. Mais elle ne les accompagnait jamais au café, là où il se réunissait. Sa modeste bourse lui permettait juste de payer ses cours, sa chambre et de se nourrir et encore, sans faire d’excès : Juste un repas le midi et une soupe chaude le soir avec un morceau de pain. Mais Natacha ne se plaignait pas, elle avait l’impression d’être libre, enfin… Il y en avait bien un,Yann, qui lui plaisait plus que les autres, et elle en rêvait quelques fois. D’ailleurs il l’avait invité pour Noël, mais elle savait que la coutume voulait qu’elle fasse un cadeau et comme elle ne pouvait pas, elle avait refusé. Il avait paru déçu, mais peut-être n’était-ce qu’une impression.
Natacha déambulait dans les rues, chaudement vêtue, car chez elle il faisait beaucoup plus froid, elle était contente de ce manteau que lui avait offert sa famille avant de partir, ils avaient du se ruiner pour le faire.. Elle humait cette odeur de résine qui venait des sapins devant chaque boutique, ces parfums de rôtisserie qui alléchaient les passants, écoutait avec ravissement ces chants de Noël que des hauts parleurs diffusaient en sourdine, stationnait parfois devant une boutique de lingerie et regardait avec envie toutes ces merveilles qu’elle ne pourrait jamais s’offrir, s’arrêtait pour sentir les marrons qui grillaient dans le grand chaudron et qui lui mettait l’eau à la bouche et la faim aux lèvres, et elle repartait pour découvrir d’autres plaisirs des yeux .
Tout à sa promenade, elle buta dans une personne qu’elle n’avait pas vue, et elle s’excusa rapidement.
- « Ah ! Je t’ai enfin trouvée, lui dit Yann, ça fait un moment que je te cherchais.
- Pourquoi me cherchais-tu ?
- Je veux que tu viennes passer Noël avec nous
- Je ne peux pas tu sais bien !
- Mais si, lui dit Yann en la prenant par le bras, mais d’abord viens boire un chocolat chaud, tu es frigorifiée et moi aussi. »
Il l’entraîna vers un café, et fit assoire Natacha dans le fond de la salle, là où déjà quelques étudiants étaient installés. Tous parurent ravis de la voir et vinrent lui faire une bise. Elle enleva son manteau, que les filles admirèrent, et prit place auprès d’eux. Elle n’était jamais rentrée dans un café et elle regardait partout, discrètement,
- « Nous allons fêter Noël dans la maison de mes parents en Bretagne, dit Yann . Tout le monde sera présent, il faut que tu viennes !
- Je ne peux pas
- Mais si, lui répondit Julie, une jolie petite brunette, dis toi qu’un jour tu auras ton diplôme, tu travailleras, et ce sera ton tour de nous inviter. Pour l’instant, laisses toi faire.
- Mais je ne peux pas vous faire de cadeau ! »
Un grand éclat de rire général accueillit cette déclaration.
- « Tu es notre hôte en France, lui dit Gérard, un grand brun, l’ami de Julie, c’est à nous de te faire découvrir nos Noëls. Donc tu viens. Tu voyageras avec Yann, Sophie et Marc. Julie, Stéphane et Marina viendront avec moi, Muriel, José, Claude et Patricia iront ensemble. Voilà les voitures sont complètes, vous êtes d’accord ? »
Les jeunes gens hochèrent la tête, et se mirent à parler menus, décorations, sapins… Natacha se sentait dépassée.
Après deux heures passées dans ce café, tous décidèrent de partir pour aller préparer leurs valises. Yann prit le bras de Natacha, et, en la reconduisant à son immeuble lui dit :
-« Je viendrais te chercher demain vers 8h, je t’attendrais en bas à moins que ta valise ne soit lourde à descendre.
- Je n’ai pas grand-chose tu sais, tes amis vont me trouver pauvre.
- Mes amis s’en foutent, seul compte ta présence, ton sourire, ta gentillesse. On t’aime tous ! »
Puis la regardant dans les yeux, et déposant un baiser léger sur ses lèvres il ajouta :
-« Mais j’espère que tu n’aimes que moi ! »

Le voyage en voiture dura presque 4h. Bien qu’il y eu du chauffage dans l’auto, Natacha était transie.
Ils arrivèrent bientôt en vue d’un parc protégé par une grille haute. Les arbres majestueux, dépouillés de leurs ramures laissaient apparaître une grande bâtisse de granit gris.
« - Je vous présente Ker Pradenn, leur dit Yann, la maison de la famille, le berceau de mon enfance ! »

*Natacha sentait que cette maison palpitait comme un cœur qui renaît en présence de l’être aimé. Elle la regarda longuement, comme pour faire la paix avec elle.
« - Et bien, Natacha, lui cria Yann, tu viens ?
- J’arrive ! »
Les autres étaient déjà rentrés depuis un bon moment et s’étaient partagés les chambres.
« - Natacha, on t’a laissé celle-là, lui dit Julie, Yann, lui, son domaine est au fond, les filles et leurs compagnons, comme Gérard et moi avons pris les autres mais si tu veux changer tu dis…
- Non, non.
- Ah, si autre chose ! La chambre avec la porte bleue, tu n’entre pas.
- Y a un monstre derrière ?
- Non, dit Julie en éclatant de rire, mais ça donne sur les appartements de la famille. Ici rien n’est fermé à clé tu sais !
- D’accord.
- Bon tu déballes tes affaires et tu viens nous aider à décorer le salon ? Les garçons sont partis nous trouver un petit sapin. »
Natacha pénétra dans la chambre, qui était sûrement trois fois plus grande que la sienne. Un papier peint dans les tons jaunes, des doubles rideaux et un couvre lit couleur or, un voilage à la fenêtre d’une blancheur éclatante pour une maison ouverte que pour les vacances ! Pas une trace de poussière…Un grand lit et une armoire, deux chevets et un petit secrétaire avec son fauteuil faisaient l’ameublement. Le tout, d’une ligne très pure bien que de style breton.
Natacha posa son sac, l’ouvrit et en sortit un pantalon, un chemisier et un gros pull. Elle ne savait pas trop comment s’habiller. Elle passa dans le cabinet de toilette, pris une douche rapide, natta ses grands cheveux blonds, s’habilla et descendit rejoindre les autres.
Les filles avaient déjà mis des guirlandes partout, qu’elles avaient du emporté avec elles.
Julie lui demanda si elle savait fait des décors avec des branches fraîches, et bientôt, les filles furent en admiration sur les compositions que Natacha réalisait avec trois fois rien.
-« Tu pourrais faire fortune, lui dit Julie, si tu es d’accord, je te recommanderais pour le nouvel an, ça te fera un peu de sous pour tes études.
- D’accord, un peu d’argent est toujours le bienvenu, mais j’aime faire ça ! »
our le réveillon, les jeunes avaient prévu un menu simple… Plateau de fruit de mer, magret d’antilope à réchauffer au micro onde, et glaces variées au dessert.
Les garçons avaient prévu de mettre une tenue élégante et les filles aussi.
Natacha, se sentait hors du temps. Elle n’avait pas de robe de soirée.
Julie, la prit par la main en lui disant :
- « Viens, tu es à peu près de la même taille que Marina ou Muriel, on va aller faire des essais. »

Natacha suivi Julie à l’étage.
Dans sa chambre, sur l’instance de sa nouvelle amie, elle se déshabilla. Julie ne dit rien sur ses sous vêtements qui ressemblaient plus à des carcans qu’à de la lingerie. Marina apporta une robe blanche et bleue qui plaisait bien à Natacha mais elle la serrait un peu coté poitrine, et Muriel lui présenta une superbe robe longue, verte, en soie sauvage. Natacha n’avait rien vu de plus beau. Elle l’essaya, et la robe semblait faite pour elle. Les jeunes filles regardèrent Natacha en hochant la tête.
« Parfait, dit Julie, mais que vas-tu mettre Muriel ?
- Je ne comptais pas mettre celle-là de toute façon, je ne l’avais apporté qu’en dépannage. Si elle te plaît, Natacha, je te l’offre, je vais te chercher les escarpins qui vont avec »
Emue, Natacha, embrassa la jeune fille, des larmes dans les yeux.
Quand les quatre jeunes filles, redescendirent, les garçons étaient prêts aussi et les attendaient, en smoking dans le salon. Tous étaient magnifiques, mais Natacha ne voyait que Yann, et ce dernier, ne voyait qu’elle.
Le repas se passa dans une ambiance bon enfant, au milieu des rires et des chansons. Puis à minuit, Gérard décréta que le Père Noël était passé et qu’il était temps d’ouvrir les cadeaux.
Ils se rendirent dans le salon, où une montagne de petites boîtes était au pied du sapin. Yann déboucha une bouteille de champagne, et Marc commença à lire les étiquettes sur les boîtes, et à les déposer aux pieds de chacun.
Bientôt, Natacha vit devant elle, plus de boîtes qu’elle n’en n’avait jamais vu de sa vie.
« - Tu as du faire une erreur, Gérard !
- Non, non…
Tout le monde ouvrit ses cadeaux, en jetant des oh et des ah, et en riant. Natacha, les regardait mais n’osait pas.
Yann vint à coté d’elle et lui en tendit une : « Ouvre celle-ci d’abords ! »
A l’intérieur, sur un lit de feuilles de soie blanche, reposait une superbe chemise de nuit de dentelle avec le déshabillé assorti. Natacha n’en croyait pas ses yeux. Elle prit un autre paquet, dans lequel se trouvait un soutien gorge et le slip assorti, puis une autre avec une paire de gant en chevreau tellement fin qu’on aurait dit de la soie, puis une autre boite avec une bouteille de parfum de Dior, puis une autre avec une collection de slips de toutes les couleurs et de hauts assortis. On aurait dit que ses amis avaient dévalisé le magasin de lingerie. Natacha n’en croyait pas ses yeux. Elle regarda les jeunes gens qui l’entouraient de leur affection et murmura un timide « merci ».
Yann lui tendit une flûte en lui disant : « Je bois aux étoiles qu’il y a dans tes yeux, c’est notre plus beau cadeau ! »

Verteprairie

26/12/2006