

Il était
une fois, une petite culotte amoureuse d’un soutien-gorge.
Oh, elle était jolie cette petite culotte, toute en dentelles
blanches… Et son amour était comme elle, doux au toucher,
avec un beau maintient fier. Même mouillé il gardait
sa forme. Ils logeaient tous les deux dans un tiroir, et des fois
la jeune fille les mettait l’un dans l’autre tellement
ils semblaient assortis. Elle se sentait bien la petite culotte
au creux des bonnets de son amour. Quand la jeune fille les lavait,
elle le faisait dans une mousse odorante et les faisait sécher
ensemble sur la même corde dans son jardin, au milieu des
fleurs multicolores. Et le vent qui les battaient quelquefois les
envoyait l’un contre l’autre, et c’est, lové l’un
dans l’autre que les dernières gouttes s’envolaient.
Ah qu’elle était heureuse la petite culotte dans ses
moments-là. Bien sûr, il ne lui avait jamais dit qu’il
l’aimait, les soutiens-gorges ont des pudeurs… Mais
puisqu’il la laissait faire c’est qu’il devait
avoir un peu de sentiment pour elle, n’est-ce pas ?
Et puis un jour, une chose informe est venu sur le fil… Un truc large
qui ne ressemblait ni à une culotte, ni a rien d’autre d’élégant… Et
la petite culotte fut séparée de son ami. Mais heureusement il
lui restait le tiroir. Puis un matin, là aussi ce fut fini… Elle
fut reléguée dans un coin, mais elle vit que son amour fut exilé dans
un autre coin. Au milieu, trônait caleçons et sous-vêtements
de couleurs. Quelle honte, quelle dérision… Plus de mousse odorante,
plus de séchage au gré du vent, ils ne sentaient plus la douceur
de la peau de la jeune fille, ils étaient atterrés ! La petite
culotte, à force de coup de reins essayait de revenir à la surface
du tiroir pour se faire remarquer mais elle voyait toute triste que son amour était
coincé par une vieille ceinture malodorante. Mais quand elle s’étalait
là, aux yeux de tous, une grande main la chiffonnait et le remettait
dans son coin. Qu’elle était malheureuse la petite culotte ! Elle
n’arrivait pas à rejoindre son cœur perdu là bas… Alors
elle se recroquevilla dans son coin et pleura. Sa dentelle devint cassante,
sa soie se mit à jaunir.
Un jour, longtemps après, la jeune fille vida son tiroir… Et suprême
bonheur, par terre la petite culotte retrouva son ami. Il ne l’avait
pas oublié non plus. Il était heureux de la retrouver, car il
lui tendit ses bonnets pour qu’elle puisse s’y lover !
Une main douce les attrapa ensemble, ils sentirent la caresse d’une joue
satinée, et la fraîcheur d’une larme, puis une sorte de
vol… « Nous allons vers le paradis. » Se dirent-ils en même
temps…
Il finirent simplement dans une poubelle au milieu des épluchures d’oranges
et des boîtes vides de coca cola. Mais qu’importe, ils étaient
réunis…
Verteprairie
le
12.04.2004
|