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« C’était une route déserte et un raccourcit que je n’ai jamais trouvé. »
A chaque fois que je me perdais je pensais à cette phrase, souvenir d’un vieux feuilleton télé où il était question d’envahisseurs, venus des étoiles.
Bref, j’étais bel et bien perdue…
Ca faisait des heures que je tournais en rond espérant désespérément de trouver la Fontaine de Merlin dans la forêt de Brocéliande. La nuit commençait à tomber, des écharpes de brume accrochaient les cimes des arbres et je déteste le brouillard. Cette sacrée forêt est vraiment impénétrable quand on ne la connaît pas. De sentiers en sentiers je suis parvenue à un cul de sac. Je descends de ma voiture pour étaler ma carte sur le capot, espérant trouver un repaire quelconque dans ce fouillis de végétation, quand tout à coup une musique parvient à mes oreilles. Allons bon, me dis-je, dans ce désert vert, je suis bien capable de tomber sur la seule boum de sorcières alors qu’il n’y a pas l’ombre d’une pancarte à l’horizon.
Je ferme la voiture, et munie de ma carte et de mes clefs, je me dirige vers cette musique. En d’autre temps, je ne me serai pas aventurée en forêt ainsi, mais la rage de m’être perdue encore une fois, guide mes pas.
Le sol est ferme, il n’aurait plus manqué qu’il soit marécageux ! Ca aurait été le comble…
Ecartant branchages et ronces dans lesquelles je m’accroche, au grand mépris de mon pantalon neuf, je parviens à une petite clairière. D’abord je ne vois rien, mais j’entends toujours la musique. Leur aurai je fait peur ?
J’appelle : « Ohé, ohé, y a quelqu’un ? Pouvez vous m’aider ? Je suis perdue ! » J’ai l’air lamentable et c’est sans doute ce qui les a poussé à se faire voir. Bon sang, je suis en plein délire…
Des êtres vêtus de vert s’approche de moi. Ils ont des cheveux longs, blonds, des sortes de tunique jusqu’à mi cuisses sur des sortes de collants, des arcs dans le dos ! Si j’avais un peu de bon sens, j’éclaterai de rire. Un remake de Robin des Bois !
Je les regarde l’un après l’autre, et je répète : « Je suis perdue, pouvez-vous m’aider ? »
Evidemment personne ne me répond.
C’est pas vrai, c’est quoi ces fous ?
« - Nous sommes des elfes, me dit un plus grand qui vient de se détacher du lot et de s’avancer devant moi en me tendant la main, viens nous t’attendions pour la cérémonie.
- Quelle cérémonie ? Je veux juste rentrer chez moi.
- Tu rentreras plus tard, nous te guiderons, mais là, nous allons nous marier.
- Pas de veine, lui dis-je, je suis déjà mariée !
- Le notre est différent, c’est une communion avec la terre et les astres. Tu as beaucoup de chance, le ciel a guidé tes pas vers nous, viens. »
Des fous ! Je suis tombée sur des fous…
Pourtant, je prends la main qu’il me tend.
Au cœur de la clairière, il y a une source. Aurai-je enfin trouvé cette fichue fontaine ? L’elfe me guide vers l’eau qui tout à coup jaillit du sol et retombe dans un petit bassin.
-« Il faut t’y baigner pour te purifier, me dit-il. »
Me baigner ? ! Fin novembre, de nuit ? Les petits elfes m’entourent soudain et en un tour de main, je me retrouve nue comme au premier jour. Et curieusement, je n’ai pas froid. J’entre dans l’eau, qui me rafraîchit et me régénère.
Les petits elfes reviennent, me sèchent. Ils m’enfilent des bas de soie blanche, un jupon de voile blanc et par-dessus une robe longue de dentelle blanche, puis me conduisent vers le grand elfe.
« - Tout te parait étrange n’est-ce pas ?
- C’est le moins qu’on puisse dire…
- Regarde toi dans le miroir de la source, et vois. »

Qu’il y a-t-il donc à voir sinon que je dois être ridicule dans cet accoutrement. Et pourtant, en me penchant, je vois une très belle femme, habillée de blanc. Je recule d’un seul coup ! Quelle est cette magie ? Ce ne peut pas être moi.
-« Je te vois avec les yeux du cœur, dit le grand elfe, et ton cœur est pur comme cette eau. »
Ce fut une cérémonie simple, avec le chant des petits elfes, la clarté de la lune qui bénit notre union.
- « En gage d’amour, me dit-il, je te donne cette fleur blanche, elle ne fanera jamais. Si tu as besoin de moi, dis le à la fleur et je viendrais t’aider. » Il se penche vers moi et dépose sur mes lèvres un baiser si doux que je me sens fondre.
Les chants cessèrent. Le petit monde des elfes disparut.
Je repars vers ma voiture, me traitant de folle. Je ne suis pas plus avancée !
En été, j’aurais campé dans ma voiture mais là, je ne m’en sens pas le courage. La nuit est tombée, le contraste est saisissant avec la luminosité de la clairière. Il faut encore que je manœuvre pour sortir de cette allée, et le comble, j’ai perdu ma carte. Et … Ou donc sont mes clefs ?
La voiture m’attend, remise dans le bon sens, le moteur ronronne, mes clefs sur le contact, mon jean et la carte sur le fauteuil avec un tracé qui brille.
Je regarde une dernière fois vers la forêt en disant :
« Adieu mon bel elfe, je ne t’oublierai pas ! »
Quand je retrouve la grande route, après avoir suivi le tracé lumineux de la carte, celui-ci s’efface.
Je rentre chez moi, comme dans un état second et me glisse dans ma chambre sans faire de bruit pour ne pas réveiller ma maisonnée.
Je me déshabille en rangeant précieusement la robe de dentelle, le jupon et les bas de soie dans mon armoire.
Prenant la fleur, je l’embrasse, et la pose sur l oreiller. Puis je me glisse sous la couette et m’endors aussitôt.
Au matin, je me dis que j’ai fait un rêve merveilleux et c’est là que je vois… La fleur blanche.

Verteprairie

le 02.12.2006